Cask de réalité réelle

Nous parlons rarement d'alcools forts type cognac ou whisky, ni de vin ou de champagne. Ce n'est pas parce que nous n'aimons pas ces boissons, mais parce que leur monde est très rigide, accouchant de produits "trop semblables". Les guillemets s'imposent car loin de nous la prétention de nier la richesse du vignoble, ou les variations plus ou moins subtiles entre les millésimes. Il y aurait matière à tenir tout un site sur les whisky et leur différents profils gustatifs. Impossible de confondre un Laphroaig 12ans d'age avec un Yoichi 10 ans par exemple. Mais, les techniques et les types d'ingrédients restent trop codifiés, et tout ou presque se joue sur la qualité et la provenance des ingrédients ou fûts, et surtout le savoir faire. Aucune place à l'inventivité, aucune tentative audacieuse, aucune recette avant-gardiste. Un vin incorporant du réglisse ou des gousses de vanille à sa recette n'aurait aucune chance d'être reconnu comme vin, et au mieux serait catégorisé "boisson aromatisée à base de vin". Mais quand Glenfiddich, la célèbre distillerie écossaise du Speyside, décide d'innover avec son Glenfiddich IPA Experiment, aussi nommé Glenfiddich IPA Cask (cask = fût), on ne peut que saluer l'initiative et en parler.

 

IPArt à la guerre avec son cask

IPArt à la guerre avec son cask

 

 

L'IPA Experiment est le premier né de la série expérimentale de Glenfiddich. La célèbre distillerie de la vallée des cerfs nous offre là une nouvelle vision du whisky avec un single malt à 43% vieilli en fût de ... bière. Le monde à l'envers si l'on considère la tendance des bières BA (ou barrel aged), bières haut de gamme vieillies en fûts de whisky ou d'autres alcools : rhum, tequila, bourbon voire même vin rouge avec par exemple la troublante Ensemble di Montalcino de la brasserie De Dochter van de Korenaar, vieillie 250 jours en fût de vin rouge Montalcino. Pour cette expérimentation, la distillerie s'est associée au brasseur Seb Jones de la microbrasserie Speyside Craft Brewery. Le whisky, déjà vieilli, est placé 3 mois dans des fûts ayant accueilli pendants 1 mois une bière type IPA (india pale ale, un type de bière à fermentation haute inventée par les britanniques au XIXème siècle, plus alcoolisée et houblonnée que les ales classiques afin de supporter le voyage par bateau jusqu'aux lointaines colonies britanniques dont l'Inde). Fûts qui ont reçu à la base du whisky, ce qui donne du whisky vieilli en fût de bière vieilli en fût de whisky, la boucle est bouclée. Techniquement, on devrait plutôt parler de finition ou finish que de véritable vieillissement, car il n'est ici question que des 3 derniers mois d'un processus long de plus d'une décennie. Le deuxième whisky de la série expérimentale, Project XX, s'annonce d'ores et déjà moins insolite, avec une simple collaboration entre 20 experts et maîtres de chai reconnus.

 

Cask d'or

Cask d'or

 

Finir un whisky en fût d'IPA est un choix intéressant pour au moins deux raisons. Tout d'abord adjoindre au whisky un profil aromatique inédit, celui du houblon, qui peut lui même énormément varier selon la variété choisie : agrume, tropical, résineux, ou même poivré et mentholé par exemple, et de deux contribuer à redorer un peu l'image de la bière trop souvent vu comme alcool bas de gamme. Si le noble whisky s'y intéresse elle n'est peut être pas si dénuée de qualité que cela. Un choix intéressant certes mais commercialement logique quand on regarde l'évolution actuelle du marché de la bière. La bière est effectivement en pleine révolution : explosion du nombre de micro brasseries, recettes audacieuses, résurrection de styles disparus comme les goses, ingrédients de plus en plus variés, nouvelles techniques, vieillissement en fût, ... Révolution dont l'IPA est le fer de lance, la grosse hype du moment au point que tout le monde s'est mis à en faire. Certains par passion, à l'image de toutes les brasseries indépendantes qui brillent par leur inventivité et leur savoir faire, d'autres simplement pour capter une part de ce juteux marché, comme les brasseries industrielles qui tentent d'entrer dans ce monde, sans grand succès vu la piètre qualité de leurs créations (Leffe Royale Cascade IPA, Goudale IPA, Castelain Fleur de Houblon, Rince Cochon IPA, ...).

 

IPA flagrant mais différent

IPA flagrant mais différent

 

Sur le papier, ce Glenfiddich est la promesse alléchante de notes d’agrumes puissantes, de senteurs florales, le tout rehaussé d’une subtile saveur de houblon fraîchement coupé. En réalité le constat est moins bien tranché que cela. Afin d'être le plus précis possible, nous l'avons comparé au 12ans d'age, la référence de chez Glenfiddich qui lui titre à 40%. Au nez, les deux sont proches, mais l'IPA apporte en plus une vague odeur de pin et de sciure fraîche. En bouche, on remarque de suite qu'il est aussi légèrement plus fort. Un goût plus corsé et plus alcoolisé mais qui reste vraiment sur le même ton. On retrouve bien le Glenfiddich classique, très typé Speyside, assez sec, plutôt monolithique et brut. Cependant, l'IPA Experiment s'agrémente de quelques notes et nuances supplémentaires : agrumes légers, pointe fruitée raisin, des épices en fin (plutôt poivré), de fugaces traces de houblon et un profil légèrement amer. Agréable certes mais vraiment timide, rien qui ne justifie les 15-20€ supplémentaires par rapport la version de base. Le packaging est par contre tout simplement magnifique, de la boite à la bouteille.

 

 

Verdict :

Giraf

 ★★½☆☆ 

La première déception de l'année 2017 (ou la dernière de 2016 car je l'ai goûté la première fois entre Noël et Nouvel An). Ce Glenfiddich essaie de surfer sur la mode des IPA, mais la marque de la bière est vraiment trop ténue pour être marquante et intéresser l'amateur de bière que je suis. De plus vu son prix élevé, il n'est a réserver qu'aux inconditionnels de la marque au cerf ou aux amateurs de whisky curieux. Je ne peux pas lui attribuer plus d'un demi jambon d'argent au regard du prix, du goût (le Glenfiddich n'est pas trop mon type de whisky) et des attentes que j'avais pour lui.

Kephy

 ★★★½☆ 

J'arrive au whisky tardivement, et commence donc seulement à m'intéresser à tout l'éventail de saveurs qu'offre cet alcool. En parallèle, les bières IPA sont de très loin celles qui ont ma préférence, et j'ai donc immédiatement été attiré par le concept de ce Glenfiddish. Ne connaissant pas le reste de leur gamme, mon avis n'est donc pas comparatif. Le nez, doux mais riche avec des notes fruitées, n'est pas trop boisé, ce qui se confirme au goût. En entame, on a un fort goût de miel en fond de bouche, qui laisse la place en deuxième dégustation à de riches arômes d'agrumes assez plaisants. Sans avoir la complexité de certains autres whiskys, son côté doux et fruité marque des points, et il mérite un demi jambon d'or.

 

PS : Trouvable en GMS ou magasin d'alcool, environ 45€ la bouteille de 70cl.

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Pour un article lu, trois offerts :

2 réponses à “Cask de réalité réelle”

  • Thibault LAMBER:

    Ce joli verre était fourni?
    Très interessant cet article, vivement les prochains sur les autres spiritueux innovants

    • Le verre n’était pas fourni, il vient d’un vieux coffret de Glenfiddish en ma possession, mais il aurait été dommage de ne pas s’en servir

      Nous testerons surement d’autres alcools si on trouve des innovants ou intéressants. Nous avons récemment gouté un hydromel cerise chipotle qui ferait une chouette test.

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